Dans la classe, quels sont les facteurs qui contribuent au décrochage scolaire ?

L'ennui, premier critère du décrochage à l'école ?

Le décrochage constitue un problème social considérable (il touche en France plus de 100 000 jeunes). Ce phénomène s’est aggravé avec le confinement du printemps 2020 qui a contribué à distendre les liens entre l’école et un certain nombre d’élèves.

Yves Reuter est Professeur en didactique, un chercheur qui tente de comprendre les fonctionnements de l’enseignement et des apprentissages à partir du contenu des disciplines enseignées. Pour tenter d'expliquer le décrochage scolaire il expérimente une voie peu empruntée curieusement : pénétrer à l’intérieur de la classe pour étudier comment se passe l’enseignement et comment il est vécu. Voici le compte-rendu de cette expérience (NDLR) :

Donner du sens

« Nous avons donc fait passer des questionnaires (plus de 2000) et mené des entretiens (près de 200) avec des élèves, à l’école primaire, au collège, incluant des élèves de SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté), au lycée (incluant des élèves de lycées professionnels), et au-delà (BTS, GRETA, étudiants).

Les résultats vont dans le sens de nos hypothèses. Je ne mentionnerai ici que les principaux d’entre eux. Le vécu des matières scolaires par les élèves en décrochage est globalement négatif, de l’ennui au rejet. Cela concerne les matières dites principales, notamment les mathématiques. Seules y font exception l’éducation physique et sportive et les arts visuels ainsi que certaines matières professionnelles dans des filières choisies par les élèves (esthétique, cuisine).

Le caractère négatif de ce vécu est dû à différents facteurs parmi lesquels :

  • l’imposition (les élèves n’ont de choix ni dans les tâches à accomplir et ni dans les manières de les accomplir) ;

  • les fonctionnements de la matière (notamment quand ils sont très classiques – exposition de l’enseignant, prise de notes des élèves, exercices formels…) ;

  • l’incompréhension persistante des contenus enseignés ;

  • certains fonctionnements de l’enseignant (ironie, manque d’aide pour ceux qui sont en difficulté…) ;

  • les modalités évaluatives essentiellement critiques ;

  • certaines formes d’exposition au regard des autres.

L’absence de relations aux questions que se posent les élèves apparait aussi comme un facteur de décrochage : les élèves ont l’impression que l’école répond à des questions qu’ils ne se posent pas sans répondre aux questions qu’ils se posent. Nombre d’entre eux ont aussi le sentiment de ne pas apprendre ou découvrir grand-chose. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la grande majorité des élèves souhaite effectuer des apprentissages.

Revient encore l’impression d’une absence d’utilité par rapport à sa vie et ses projets. Enfin, les contraintes qui régissent la corporalité (par exemple, la position assise sans déplacements possibles) pèsent d’un poids important.


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Il est intéressant de constater que les mathématiques cumulent en quelque sorte certains de ces problèmes : exposition au tableau très mal vécue lorsqu’on ne connait pas la réponse, sentiment que les enseignants s’occupent essentiellement de ceux qui comprennent, rythme trop rapide…

Contexte pédagogique

Ce constat doit cependant être affiné en relation avec les différentes modalités de fonctionnement des disciplines – ce que j’ai appelé des configurations disciplinaires – qui varient selon les périodes historiques, selon les pays, les moments du cursus, les filières, les pédagogies…

Le français ou les mathématiques ne fonctionnent pas de la même manière en 1910 ou en 2020, en France ou dans d’autres pays, à l’école primaire ou au lycée, en filière générale ou professionnelle, en pédagogie classique ou en pédagogie Freinet…

Il est ainsi intéressant de remarquer que les mathématiques sont la matière préférée des élèves à l’école primaire avant de devenir la matière la moins aimée dans le secondaire en France – mais ce n’est pas le cas dans d’autres pays. L’histoire-géographie, quant à elle, est plus appréciée dans le secondaire que dans le primaire.


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Ces résultats suscitent quelques questions. Ils interrogent, par exemple, certaines priorités accordées aux matières dites fondamentales. En effet, si on se situe dans la perspective du décrochage, il faut bien convenir que, dans nombre de cas, ce sont les matières dites secondaires qui contribuent à l’accrochage scolaire.

Cela n’est pas non plus sans questionner les critiques portées à l’encontre des professeurs des écoles dans l’enseignement des mathématiques. Bien que censés être moins formés que les enseignants du secondaire, ils construisent cependant un rapport plus positif entre les élèves et la discipline.

Ces résultats restituent en tout cas l’importance des enseignants et des matières scolaires dans la lutte contre le décrochage scolaire. Ils ouvrent aussi des pistes de travail quant aux configurations disciplinaires les plus favorables à l’accrochage scolaire :

  • alléger les impositions inutiles et laisser des espaces de choix possibles aux élèves ;

  • garantir et sécuriser la compréhension, clarifier les apprentissages à effectuer et effectués ;

  • respecter les élèves et bannir les humiliations, privilégier l’évaluation formative ;

  • travailler les relations aux questions que se posent les élèves ;

  • porter l’accent sur le sens des apprentissages.

En effet, la manière dont les élèves peuvent s’approprier les disciplines, que ce soit sous forme de compréhension, d’expression ou d’articulation à leur identité et/ou à leur projet personnel ou professionnel s’avère fondamental. Enfin, l’appui sur des démarches pédagogiques qui privilégient les recherches des élèves, le travail coopératif, l’autonomie et les projets semble déterminant. »

Yves Reuter, Professeur émérite en didactique, Université de Lille

Cet article est republié par L'APPRENTI sous licence Creative Commons à partir de The Conversation.

Yves Reuter  -  20/10/2020

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